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2013 ;  bumin hospital
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T’avances à toute allure dans des couloirs qui te semblent toujours trop longs, c’est pourtant bien la première fois de ta vie que t’es heureuse de les arpenter. Parce que pour une fois t’es pas à l’hôpital pour une histoire dont toi seule à le secret. Ouais aujourd’hui tu ne vas pas devoir te justifier sur le pourquoi du comment tu t’es décidée à ne plus manger. Enfin t’as beau le savoir, ça ne t’empêche pas de raser les murs de peur qu’un médecin ou une infirmière te demande si tu vas bien. T’aurais peut-être dû manger autre chose qu’une barre de céréales aujourd’hui. Ce n’est pas de ta faute Ahreum t’étais trop heureuse pour avaler quoi que ce soit. Finalement la silhouette de ton père se dessine au loin, il t’aperçoit et t’ouvres ses bras dans lesquelles tu viens te loger sans te faire prier. «  Mon petit ange » glisse-t-il en ébouriffant ta touffe de cheveux jamais disciplinée. Lui aussi c’est bien la première fois qu’il a l’air content de te retrouver dans un hôpital. Tu souris de toutes tes dents avant de glisser un mélodieux «  Où il est ? ». Oui, où est la raison pour laquelle t’as abandonné l’herbe fraîche sur laquelle tu te prélassais avec la bande ? D’ailleurs ils n’ont rien compris tu te souviens encore des yeux des autres se poser sur toi quand tu t’es mis à hurler qu’il était né. De toute façon trop défoncés pour comprendre quoi que ce soit ils se sont tous mis d’accord pour dire que t’étais la plus faite d’entre eux. Seulement non. Aujourd’hui marque bien à l’encre rouge quelque chose que t’attendais plus depuis ta puberté atteinte. Le frère que tu ne croyais plus jamais avoir. Tu ne sais pas pourquoi tes parents se sont finalement décidés à se relancer dans le peuplement de la Terre. Vous marchez quelques mètres et alors que ton père te glisse qu’il va aller voir ta mère tu suis l’infirmière qui te guide vers une baie vitrée. Derrière elle, une bonne dizaine de bébés. Tu te mets à sourire prenant soudainement conscience des faits. Aujourd’hui à 15h45 précisément t’es devenue une grande sœur. T’es pas encore vraiment certaine de savoir ce que ça veut bien dire. C’est vrai dans le fond t’es encore qu’une gamine qui se perd dans les méandres de la vie, mais t’es au moins sûre d’une chose : tu veux que le petit être que l’infirmière sort de son berceau prenne un chemin moins sinueux que le tient. T’y connais pas grand-chose en bébé, mais t’as bien l’impression que ton frère et le plus beau d’entre eux tous.  T’es soudainement envahie par une vague de bonheur qui pourrait bien t’emporter. T’as l’impression que la terre tourne sous tes pieds et tu t’accroches à la première chose que tu parviens à trouver : la main d’un inconnu. Décidément Ahreum t’aurais vraiment dû manger autre chose qu’une barre de céréales. «  Oh Wahou vous êtes vachement jeune pour avoir un enfant ». Que tu murmures alors que tes yeux croisent ceux de celui que tu viens sans doute importuner.

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C'est la bourrasque. C'est les cris, la main serrée, le visage exténué et puis ce petit être qui entre dans sa vie. Les pleurs, les nombreux pleurs de sa soeur et l'absence d'un bâtard de père, comme une histoire qui se répète. Il a tenu jusqu'à la naissance, il a tenu jusqu'à la rassurer, il a rejoint sa mère pour lui assurer que ça s'est bien passé. Nino, il a fait sa part. Il a été un mec plus responsable que tous les mecs qu'il a eu l'occasion de connaître dans sa vie. Le truc… Le truc c'est que ça l'a sonné, cette histoire. Une putain d'histoire même. Celle d'un môme qu'il a pas demandé, mais qui est arrivé. Ce môme dont il va falloir s'occuper et dont il sait, il sait déjà qu'il sera principalement en charge. Il s'en plaint pas, non. Seulement, le coup est lourd.  C'est un ouragan dans sa vie et c'est bien après, lorsque tout est calme, qu'il entend d'autant plus le vent souffler.

Une heure s'est écoulée, p't'être bien. En fait, il en sait rien. Il ne sait plus exactement heure, il sait juste que le manque de nicotine arrache ses pensées mais pourtant, il reste planté là, devant cette grande, énorme vitre. Le monde semble bien petit face à une armée de bébés paisibles. L'existence parait ridicule et étrangement, ça l'apaise un peu, autant que ça l'angoisse. Tout ça, c'est juste contradictoire, c'est un peu compliqué. En fait, il n'avait jamais cru se retrouver là un jour, dans un hôpital pour fêter la venue au monde d'un nouveau Alvarez même si y a peu de monde pour le fêter. Nino a jamais cru que dans leur famille d'expatriés, d'enfants sauvages, ils en arriveraient à ce chemin. Sa soeur a accouché, 15h46, d'un petit Jo. Sa soeur bien trop jeune à ses yeux, aux yeux du monde...Et ça, c'est les ravages de l'amour. Ca a détruit son coeur, ça a détruit celui de sa soeur. Mais dans ce chaos, y aura quand même un bout de vie apparu de nulle part. Est-ce que c'est beau. Est-ce que c'est terrifiant... Il a pas la réponse. L'heure est définitivement passée et il l'aura pas vu venir, elle. Elle qui s'accroche à sa main et le sort de ce fléau. Il met un temps à se reconnecter à cette réalité, lorsqu'elle est la première à mettre les mots sur ce que tout le monde va bien penser de lui. Son regard s'ancre et il perd le fil, il entrouvre les lèvres, se tait, fixe les bébés trop roses, trop ronds et ...Et tous pareils. « … J'sais même pas c'est lequel. » L'aveu du pire père de l'année. Sauf qu'il est pas père. Ils sont juste...Trop nombreux. Beaucoup trop nombreux et lui, il est pas encore totalement prêt à le prendre dans ses bras ou quoi que ce soit.  A la place, il serre la main d'une inconnue. « c'est pas vraiment le mien mais...Ce sera un peu le mien quand même. Toi, c'est lequel le tien ? » Est-ce qu'il prend de réfléchir, de croire qu'elle est sûrement pas la mère de l'un deux ? Non. Non, franchement pas. Tout ce dont il prend conscience là, c'est d'un môme parmi les mômes devenu presque sien et de la clope qui démange ses doigts emprisonnés par les siens.

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Alors que tes yeux se perdent sur la grande vite tu perds pied et s'il n'avait pas été là pour que tu t'accroches à lui comme on pourrait se tenir à une bouée de sauvetage tu aurais probablement fini ta course au sol . Tu fermes les yeux l'espace de ce qui te semble ne durer que quelques secondes et t'es viens à te demander pourquoi ton corps te lâche. La joie ? Un bonheur trop intense ? Oui, mais pas que. Parce que t'as pas assez mangé ? Sans nul doute oui, mais ça ton corps à l'habitude. Le vrai problème est ailleurs et tu le sais bien. Ta peur. Peur pour ce tout petit être humain qui te semble si fragile. Ta peur qu'il finisse comme toi. Parce que tes parents n'ont rien n'appris. Ils te voient sombrer un peu plus chaque jour sans pourtant ne jamais être parvenu à se remettre en question. Tu ne leur en as pourtant jamais tenu rigueur. Oui tu as toujours pardonné leur absence, leur marginalité et le fait qu'ils ne t'ont sans doute jamais vraiment donné l'attention dont tu as besoin. Tu as même trop souvent sans doute essayé de comprendre. Trouver les excuses. C'est des passionnés, des artistes qu'étaient sans doute pas fait pour procréer. Ouais, mais voilà toi t'es arrivée.

Tu aurais pu te faire à cette vie-là sans trop faire de vague - ou en tout cas pas plus grosses et bruyantes que celle que tu fais déjà- parce que dans le fond tu as fini par t'habituer à tout ça. Seulement voilà, l'annonce de cette grossesse a presque été la goutte qui a fait déborder le vase. Tu n'as pourtant rien dit tu te souviens même leur avoir offert ton plus beau sourire en affirmant qu'il s'agissait là d'une nouvelle merveilleuse. Mais la vérité elle, l'est beaucoup moins. Tu en as voulu et tu en veux encore à ses deux adulescents qui n'ont pas appris de leurs erreurs. Pourtant ça te semble pas très compliqué, après tout il suffit de te regarder pour comprendre qu'ils ont merdé. Seulement non c'est pas assez, de toute façon tu sais bien qu'avec eux ça sera sans doute toujours le cas.

Tu t'accroches à sa main et alors qu'elle est toujours dans la tienne ta bouche forme un O de surprise alors qu'il t'avoue ne pas vraiment savoir lequel est le sien. Un rire s'échappe de tes lèvres et tu te perds l'espace d'un instant sur les traits de l'inconnu. « Regardez bien, celui qui vous semble être le plus beau c'est sans doute le vôtre ». T'es pas vraiment certaine que cette théorie tienne vraiment la route, mais c'est tout ce qui te vient. Un sourire doux prend la place des rires. C'est presque fou, mais tu te reconnais parfaitement dans les paroles de ce jeune homme. T'as même l'impression qu'il est un peu toi au masculin sans même le connaître. T'espères pourtant qu'il ne soit pas semblable à toi. Parce que faut dire ce qui est, tu ne souhaites à personne une vie comme la tienne. C'est pas que t'es pas heureuse, c'est juste que tout semble toujours trop compliqué. « Le mien c'est lui » que tu finis par murmurer en pointant du doigt le fils Myeong. « Mais c'est pas vraiment le mien non plus ». Tu marques une pause. Pas le tiens, mais tu sais déjà que d'une façon ou d'une autre tu te retrouveras forcément à endosser un rôle de mère pour le petit être qui s'agite dans les bras de l'infirmière. « C'est mon frère » t'as pas envie de l'embêter avec tes histoires, mais tu ne peux pas t'empêcher d'ajouter « parce que vous voyez au bout de toutes ces années nos parents ont jugés bon de se reproduire à nouveau ». Tu pourrais continuer sur ta lancée, mais tu te coupes net. Ce n’est pas le moment ni l'endroit, après tout t'es pas chez ton psy.

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Perdu face à un tout autre monde, un monde totalement décalé du sien. C'est calme, c'est presque apaisant et à la fois, effrayant. Comme si tout ça, cette situation, ça finirait par l'engloutir au moment où il s'y attendra le moins. Oh, il a besoin de cette clope. Il en a vraiment besoin. Ses pieds pourtant sont figés au sol, à croire que ça lui a foutu un tel coup qu'il a perdu un peu la notion du temps. C'est par sa demi chute qu'il retrouve un pseudo contact avec la réalité. Et ainsi, sa première rencontre avec elle. Il avouera qu'ici, ce n'est pas vraiment sa place et que ça fait presque une heure qu'il fixe cette vitre sans même savoir lequel est presque à lui. Le plus beau est sans doute le sien. Il marque un temps de pause et pendant ces quelques secondes, ouais, il l'imagine. Il observe chaque lit en se demandant lequel est le plus beau mais...tout ce qu'il arrive à en constater, ce sont certains plus roses que d'autres, voir plus calmes. « … ils ont tous la même tête, non ? » Est-ce que ça s'annonce mal pour son futur rôle d'oncle et père de substitution ? Ouais, très clairement. Est-ce qu'il venait de parler comme le plus horrible des membres de sa famille ? Sans doute aussi. Mais y a qu'elle pour l'entendre et… Elle, elle semble aussi perdue bien qu'elle au moins, elle arrive à désigner celui appartenant à sa nouvelle famille. Son petit frère. Il percute pas les années d'écart tout de suite, ce n'est qu'à la fin de son explication qu'il comprend le choix de ses parents. Ouais, c'est tard un peu.  « pourquoi maintenant ? » Nino n'est pas un psy, il est même loin de ces études ou des études tout court. Il a jamais voulu en faire comme il n'a jamais cherché à comprendre l'être humain ou l'âme humaine. Il a déjà assez d'mal à se comprendre lui-même pour comprendre les autres. Alors il aurait pas vraiment les mots, des mots bancals, des mots incertains, balancés trop rapidement sans se soucier de l'impact. Tous ses bébés, comment ils en sont arrivés là, en même temps ? Est-ce qu'il fait face à une bande de parents irresponsables comme sa soeur, comme le rôle qu'il tiendra ou… Est-ce qu'ils ont une stabilité assurée ? Une vie qu'il n'a lui-même jamais connu ?  « 'fin au moins c'était pas sur un coup de tête ou un accident. il sera bien » Il croit, il suppose. Ca peut pas être pire que sa soeur en tout cas. « il commence bien sa vie, il a un copain dans la nurserie » Ou qu'il soit… Enfin, un Alvarez dans sa vie, ce n'est pas forcément une bénédiction. Bien plus souvent, ça apporte des complications.  

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Ils ont tous la même tête non ? Tu te mets à rire. T’as l’impression d’enfin comprendre ce que les gens racontent lorsqu’ils disent que l’homme et la femme ne sont peut-être pas tout à fait composés de la même manière. Si lui ne voit qu’une ribambelle de bambins recouverts d’une petite couverture blanche toi tu vois la vie dans tout ce qu’elle a de plus beau. T’envies presque ces petits êtres. Ils ont l’air paisibles, n’ont pas la moindre idée de ce que la vie peut bien être. Ils sont l’innocence incarnée et t’aimerais que rien ni personne ne vienne jamais changer ça. T’aimerais retrouver cet état-là. T’arrives même plus à te souvenir du moment où tout te semblait simple. T’as même l’impression d’avoir jamais vraiment connu ça. Tu te perds quelque seconde sur le visage de ton frère. Toi tu lui offriras ce qu’on n’a pas su te donner. Tes épaules sont peut-être frêles, mais tu feras de ton mieux. «  Tu crois qu’ont été comme ça nous aussi ? ». Sans doute l’avez-vous été un jour. Un jour qui semble désormais révolu, parce que vous avez grandi, connu la vie et les déceptions qui vont avec. Puis il finit par te demander, pourquoi maintenant et tu plonges tes prunelles dans les siennes. « Si seulement je le savais ». Ou peut-être que dans le fond il n’y a pas de réelles explications. Après tout rien n’est jamais de l’ordre de la logique avec ceux qui t’ont donné la vie. Mais t’es au moins certaine d’une chose aucun d’entre vous n’est un accident. Ils vous ont désirés et ils vous aiment à leur façon. Seulement c’est pas toujours suffisant en tout cas ça ne l’a jamais été pour toi. Alors tu restes silencieuse et tu te mets à espérer. Espérer que ce qu’il dit est vrai, et que contrairement à toi ton frère parviendra à être bien.  Puis finalement tu souris.[color=#cc9999] «  C’est vrai il est plutôt bien accompagné »[/color] puis tu te mets à être soudainement curieuse. Tu te livres à un inconnu et t’aimerais en savoir plus sur lui «  Et toi alors pourquoi maintenant ? »

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C'est presque irréaliste, c'est presque flippant. C'est un entre deux étranges et dérangeant qui vous claque sur place. Ce tas de bébés, ce nombre de vies. Ça le fait un peu réfléchir, Nino. Ca le fait réfléchir à des responsabilités encore totalement inconnues et ça le laisse dans un flou incertain sur l'avenir… Un avenir dont il n'a jamais réellement songé et encore moins de cette façon. Certains diront que c'est un cadeau. P't'être. Mais c'est aussi une bombe coincés entre ses mains maladroites... Et lui, il est pire qu'un déclencheur. Se dire qu'un jour ils ont été comme ça ? C'est irréaliste. Ça s'ajoute à la liste de chose bizarre de la journée. « J'sais pas. C'est moche qu'on se souvienne pas. »  Probablement des meilleures parties de la vie, à en juger par les visages semblables et paisibles des enfants, pour ceux qui dorment du moins. De quoi on se soucie à cet âge ?  Bien que... il ne serait pas forcément heureux d'avoir la même tronche que tous les autres ou même d'être tant dépendant… Faudrait encore qu'en plus des souvenirs, on ait conscience du monde dans lequel on vient d'atterrir. Là, ce serait franchement moins sympa. Un soupire discret, un de plus qui s'ajoute à la foulée. Il glisse plus doucement qu'il était pas si mal accompagné, pour son premier jour et ça...au moins, ça aura cet effet d'étirer ses lèvres en un sourire enfin.  Pourquoi maintenant surtout, la question du loto. La question à des millions. Et si elle ne semble pas avoir eu la réponse à la propre existence de son frère, lui… Lui il sait, malheureusement. « Un connard est passé entre les cuisses de ma soeur, voila pourquoi. »  Le rictus amer, et le soupire résolu.  Un connard qui s'est aussi vite tiré en disant que c'était pas son problème, ce môme, oubliant qu'il fallait être deux pour avoir pris la décision.  Son regard se détache de la vitre, déviant, glissant lentement sur elle.  « ... Mais il vivra pas comme un putain d'accident. »  Il vivra pas en pensant avoir été un simple imprévu non désiré. Il vivra pas dans l'errance et l'ombre d'un père trop con pour s'être tiré. Baissant les yeux, il tâtonne ses poches pour finalement sortir son paquet de clopes. Une fraction de seconde teintée d'hésitation, il relève son visage accompagné de sa main désignant l'unique joint coincé entre ses doigts.  « ça te tente ? »  Pour une fois qu'il est généreux au point de partager… Mais y a comme un truc à célébrer, même si on sait pas exactement quoi.

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Tu hoches la tête «  c’est moche ouais, moi en tout cas j’aimerais bien retourner à ce moment-là, juste pour voir comment c’est ». Oui, toi tu donnerais n’importe quoi pour revivre, même quelques instants, cet instant de vie là. Tu irais peut-être même plus loin en regagnant le ventre de ta mère, là où rien ni personne ne pouvait te faire du mal et où tout était simple. Enfin qu’est-ce que tu en sais dans le fond ? Peut être que déjà à l’époque les choses n’allaient pas bien. Peut-être que déjà à l’époque tu pouvais sentir que tu ne serais jamais vraiment en marche et que tes parents ne seraient pas non plus les plus exemplaires au monde. Tu te mets à flipper en imaginant que ton petit frère ait pu ressentir tout ce que tu es en train de décrire alors même que tes yeux se posent sur son visage reposé. Puis finalement tu chasses cette idée alors que ton attention se reporte sur le jeune homme qui t’explique le pourquoi du comment. «  Oh » glisses tu comprenant qu’il n’est donc pas jeune père, mais tout comme toi une sorte de « victime » collatérale et sans  doute la seule figure masculine dans la vie du nouveau-né. «  C’est moche » que tu ajoutes un peu penaude en posant machinalement une de tes mains sur son épaule. «  Bien sûr que non, il aura toujours quelqu’un sur qui compté, quelqu’un grâce à qui il ne sera jamais seul ». Quelle responsabilité te mets-tu soudainement à penser, comme si le bonheur de ce petit être ne reposait plus que sur lui. Puis tu te mets à rire, finalement on pourrait presque dire la même chose de toi. Vous en faites une belle brochette.  Puis voilà qu’il sort un joint de sa poche et qu’un léger sourire se dessine sur tes lèvres. Si ça te tente ? «  Bien sûr, mais pas ici » que tu dis en désignant les bébés derrière la vitre avant de le tirer par la manche en l’entraînant vers une sortie de secours menant à des escaliers extérieurs. «  Voilà là c’est mieux » que tu lâches dans un sourire alors qu’il semble surpris. « Dis-toi simplement que j’ai passé assez de temps ici pour savoir où fumer mon joint tranquillement ». T’as pas besoin de lui dire que t’es pas vraiment comme tout le monde n’est-ce pas ?  

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C'est moche. Ouais, c'est moche, c'est ce qu'on en retiendra. Un putain de paradoxe entre le tas de pensées en pagaille et cette situation qui l'aura laissé calmement posté un moment face à cette vitre. Noyé dans la contemplation d'enfants de quelques jours et les remise en question. Intérieurement, c'est le ravage, la tempête, l'instabilité d'un avenir qui tend à se casser la gueule, une chute libre visible et évidente.  Pourtant, il n'arrive qu'à hocher simplement la tête à la responsabilité qu'elle met sur ses épaules en une phrase et un simple geste. C'est p't'être le touché de trop, la conversation qui fait qu'il sort enfin de sa poche le paquet et le briquet qu'il désire depuis de longues minutes...Mais c'est de la nicotine qu'il s'autorisera ici, maintenant. Nino, il est presque aussi surpris qu'elle accepte si facilement qu'elle l'attire loin de ses couloirs et il n’émet aucune résistance, amusé au point qu'un sourire se dessine sur ses lèvres. Étrange rencontre de deux paumés de la vie, confronté à la vie elle-même. Sa main se pose à plat sur l'une des portes de secours, blanche et épaisse, il l'aide à ouvrir pour s’engouffrer à l'extérieur. L'air frais, le bruit de la circulation, comme entrant dans un tout autre monde… ou retrouvant simplement le sien. Parce qu'en se posant sur l'une des marches de l'escalier de service dans un soupire, l'allure toujours aussi ancré dans la désinvolture, il semble plus habitué à ce genre de situation qu'il ne l'aura laissé croire par la surprise ou sa simple présence dans l'établissement. Ouais, la surprise...c'est elle qui se tient face à lui. « ici ? ah… » Il incline son visage d'un rire étouffé et il coince le joint entre ses lèvres, venant l'allumer de deux, trois tentatives. Il grogne, marmonne de l'espagnol vulgaire en traitant le foutu vent de responsable puis tire enfin une première latte avant de lui tendre. « tu connais bien l'hôpital ? Tes parents pondent plein de mômes ou rien avoir ? » Elle a pas vraiment l'air d'être une patiente ici, pas dans cette tenue. Pas une patiente du jour, une patiente récurrente ? Mais ah, nino est bien trop con, bien plus à foutre les pieds carrément dans le plat et pas avoir les mots ensuite.

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Des rencontres tu en fais une bonne centaine ici. Patients, parents, médecins et personnels soignants plus personne ne semble avoir le moindre secret pour toi ici ci ce n’est le jeune homme qui te fais face et à qui tu souris avec douceur. Il se dégage de son être quelque chose de mystérieux qui t’intrigue. Comme un secret que tu as envie de percer. Mais ce n’est pas tout, étrangement plus tes yeux se posent sur ta silhouette et plus tu as le sentiment que vous partagez beaucoup tous les deux. Et il n’est pas seulement question cette situation compliquée dans laquelle vous vous trouver aujourd’hui avec ces deux petits bébés qui vous tendent les bras. Tu as l’impression que tout comme toi ses valises sont lourdes et qu’il les traîne derrière lui à bout de bras. Il t’intéresse et tu n’essaies même pas de le cacher. À quoi bon ? Ce n’est pas le genre de chose avec lequel tu sais mentir. Tu l’observes allumer son joint et les flammes qui se reflètent dans ses yeux te semblent délicieuses. Tu l’écoutes barguigner dans une langue qui t’échappe et ta curiosité n’en est que plus grande. «  Qu’est-ce que tu racontes ? » lances-tu d’un air malicieux avant de venir voler le joint coincé entre ses lèvres pour le porter aux tiennes. «  Pour mes parents deux mômes c’est déjà trop ... » Tu ne sais pas pourquoi tu te sens autant en confiance avec lui. Pourquoi tu as besoin de lui raconter ta vie comme ça alors que tu sais pertinemment que ça n’a rien d’attirant. Tu restes silencieuse tirant une taffe avant de finalement passer aux aveux. «  J’aime pas manger, c’est pour ça que je viens ici de temps en temps ». Puis tu te mets à rire comme si ces derniers mots prononcés n’avaient rien d’important. «  Elle est pas mal ta came » que tu t’empresses d’ajouter en lui refilant son joint.  

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Et p't'être que si elle avait pas été aussi brisée et paumée que lui, ils se seraient pas rencontrés. Il l'aurait pas même regardé passer. Mais c'était par les failles et les écorchures qu'il la trouverait plus intéressante. Les gens qui ont un certain vécu, loin de cet état d'enfance naïve dont ils ont presque jalousé à fixer une vitre les séparant d'un tas de bébés. Ouais, il sait pas trop pourquoi ni comment ses pas ont finalement suivi les siens à l'extérieur, pour une cage d'escalier vide à allumer un joint par nécessité. Si seulement ce connard de vent lui laissait… Un coup d'oeil levé en sa direction alors que ses mains abîmées construisent une pseudo rempart face aux bourrasques. Ce qu'il raconte n'avait pas besoin de traduction. « d'la merde » Et c'est avec soulagement qu'il le voit enfin prendre la flamme, se laissant consumer. Juste un peu avant de se faire dérober de ses lèvres. Yaah… Il en aurait tapé pour moins que ça. A la place, il écoute. Il écoute, lui qui est mal placé pour donner son avis.  « j'les comprends pas. 'fin… » Haussement d'épaules, balayant ces propres paroles. Ouais, il comprenait pas pourquoi faire des mômes si on pouvait pas les assumer. Et puis, y a les accidents comme sa soeur et il en sait trop rien. L'esprit fermé forcé à bien accepter que parfois, on peut pas contrôler les merdes qui vous tombent dessus. Posé sur l'une des marches, le vide sous l'acier froid à se les geler, il est con Nino. Il pose des questions alors qu'il sait bien que ça sert à rien, il a pas les mots pour ça, pas l'ouverture d'esprit ni la compréhension de certains sujets. « on force les gens à manger maintenant ?  ça craint. » Ca craint, pensant pas plus loin. « et t'as envie d'être ici toi ? » Ou c'était pas sa décision mais celle de ses parents ? Récupérant le joint entre ses doigts, tirant une nouvelle fois sur le bâtonnet.  « 'fallait au moins ça...j'ai juste rien de plus fort. » Un truc qui déglingue bien. Parce que franchement cette nouvelle le foutait pas si bien.